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Introduction aux fors et coutumes de Béarn

(par Guilhemot)

 

Cette introduction aux fors et coutumes de Béarn se base sur l'étude de Christian Desplats concernant "Le for de Béarn d'Henri II d'Albret (1551)" paru aux éditions Marrimpouey à Pau en 1986.

 

1. Qu’est-ce qu’un For ?

La première question qui vient à l’esprit lorsqu’on aborde les Fors de Béarn est de bien comprendre ce que sont ces Fors. De quoi parle-t-on réellement?

Une première réponse peut être trouvée dans la définition du For par Jacques de lafite Maria, avocat au parlement de Navarre à la fin du VIIème siècle.

« Quoy que le mot béarnois for vienne sans contredit du latin forum, il est sur néanmoins que sa signification a toujours été plus étendüe, puisqu’à l’exemple du « fuero » Espagnol, il signifie non seulement le tribunal où l’on juge, mais aussi la loi selon laquelle on juge… »

On comprend donc bien que le mot For tire bien son origine du « forum », la place publique où l’on juge, mais le sens complémentaire est celui de la loi que l’on applique, traduction écrite de la coutume.

L’usage de ce For n’est pas incompatible avec celui des anciennes lois romaines, lois écrites elles aussi, que l’on connaît sous le nom de droit commun. Le Béarn est donc bien depuis son origine, un païs de droit écrit.

 

2. Des Fors de Béarn en constante évolution au cours des siècles.

Les premiers Fors de Béarn apparaissent avec la dynastie des Moncade de Béarn, s’inspirant fortement des « Fueros » ibériques, le « Fuero de Jaca » plus précisément.

Le premier des ces Fors est le For d’Oloron, concédé à la communauté par Centule V le jeune en 1080. Selon la tradition, la concession de ce For visait à relever la ville de ses ruines, en échange de la participation des Béarnais à la reconquista au sud des Pyrénées. Pour mémoire, les cités épiscopales de Beneharnum (Lescar) et Iluro (Oloron) avaient été rasées lors des incursions Normandes en Aquitaine aux alentours des années 845-850. Ce for sera confirmé par Guillaume Ier Raymond de Moncade en 1220 ou 1221.

Dés lors, ce type de chartes de franchises va se multiplier dans tout le Béarn, au gré des intérêts du vicomte. En échange du paiement de contribuions spéciales, le vicomte attribue des privilèges et des libertés particulières à des cités ou à des groupes de communautés rurales.

C’est d’abord le For attribué à Morlaas en 1117 par Gaston IV le croisé, sur le point de partir pour son expédition en andalousie. Il accorde à la ville de Morlaas, alors capitale du Béarn, des immunités personnelles, des privilèges fiscaux et un service militaire à durée fixe.

Puis viennent les Fors des vallées d’Ossau, d’Aspe et de Barétous, rédigés à partir de 1221. Ces Fors, destinés à normaliser les relations houleuses entre ces communautés de pasteurs et leur vicomte, se présentent sous la forme de véritables contrats politiques délimitant strictement les pouvoirs du prince. Ces Fors précisent par exemple les cérémonials que doit observer le vicomte avant d’entrer dans une vallée ainsi que les échanges d’otages avec ses habitants qui ont alors lieu.

Le Vieux For ou For Général fut rédigé aux alentours de 1181 en latin. Composé à partir d’actes plus anciens, ses 281 articles assemblés sans ordre véritable deviennent une véritable charte féodale, et ne forment plus simplement un recueil de privilèges. Pour la première fois, les droits et les devoirs du vicomte et de ses sujets, sont soigneusement énoncés et garantis par un serment mutuel de fidélité; le sacramentum mutuo.

Ce For va ensuite évoluer régulièrement tout au long des siècles. Vers 1250, une centaine de nouveaux articles sont rajoutés par Gaston VII. Ces articles traitent de l’établissement de la cour ou des états de Béarn, en introduisant une véritable jurisprudence d’arrêts de la cour Majour ou de la cour de Morlaas.

Après 1393, on ne trouve plus trace de grande compilation, mais de nombreux textes destinés aux hommes de loi et aux notaires continuent de se rajouter.

Enfin, les états généraux de Béarn conçoivent et publient une grande réorganisation du For Général en 1551. Ce for, connu sous le nom de For de Béarn d’Henri II d’albret ou Nouveau For, comporte 59 rubriques regroupant 676 articles. Parmi cette multitude d’articles, seuls les 28 premiers semblent être directement issus des chartes féodales primitives. Ces 28 articles forment en quelque sorte la partie constitutionnelle du Nouveau For de Béarn.

 

3. Quelles sont les origines du For général de Béarn ?

Deux thèses s’opposent sur l’origine du For général de Béarn, dans la mesure où son préambule ne donne aucune précision sur la situation politique et institutionnelle antérieure du Béarn.

 

La thèse républicaine D’Arnaud Esquerrier.

La chronique D’Arnaud Esquerrier, achevée en 1461, peut être considérée comme la source de tous les chroniqueurs et historiens postérieurs ayant défendu cette version. Pour cet historien, les Béarnais se seraient d’abord gouvernés eux mêmes, et tiraient cet avantage de la part qu’ils auraient pris à la victoire de Charles Martel sur les sarrasins en Gascogne. Cette colonie d’hommes libres se serait dotée elle même d’institutions et d’un conseil, avant de se décider à passer un contrat avec un prince vers 755. Cette thèse se fonde sur le préambule du For, la version la plus ancienne figurant en tête du For général de 1188.

« Ce sont ici les fors de Béarn, dans lesquels il est fait mention qu’anciennement, il n’y avait pas de seigneur en Béarn. En ce temps là, les Béarnais entendirent louer un chevalier de Bigorre ; ils allèrent le trouver et le firent seigneur un an.

Ce temps écoulé, il ne voulut pas les maintenir dans leurs fors et leurs coutumes : Le cour de Béarn s’assembla alors à Pau, et le requit de les maintenir dans leurs fors et coutumes ; il s’y refusa, alors ils le tuèrent en pleine cour. Item ensuite on leur vanta un chevalier d’Auvergne ; ils allèrent le quérir et le firent seigneur deux ans. Ce temps achevé, trop arrogant, il ne voulut pas les tenir dans leurs fors et leurs coutumes. La cour le fit alors occire au bout du pont d’Osserain par un écuyer, qui le frappa d’un tel coup par devant, que l’épieu sortit par le dos. Ce seigneur avait nom Sentuc.

Item, après cela ils entendirent faire l’éloge d’un cavalier de Catalogne, lequel avait eu de sa femme deux enfants jumeaux. Les gens de Béarn tinrent conseil entre eux pour envoyer deux prud’hommes de leur terre qui sollicitassent l’un des garçons pour seigneur. A leur arrivée les envoyés allèrent les voir et les trouvèrent endormis ; l’un les poings fermés, l’autre les mains ouvertes ; ils s’en retournèrent emportant celui qui avait les mains ouvertes. »

 

La thèse unioniste développée par Pierre de Marca en 1620.

Pierre de Marca va démontrer de manière magistrale l’occupation Romaine, les invasions barbares, l’intégration au domaine Gascon, avant de conclure que « tout prove fort ouvertement que le Béarn éstoit possédé par les roys de France. »

Pour Pierre de Marca, le For serait contemporain de l’arrivée au pouvoir de la dynastie des Moncade, Il serait consécutif à la crise ouverte par l’hommage du Béarn à l’Aragon, prêté par la vicomtesse Marie à Canfranc en 1170. Il aurait en quelque sorte sanctionné la trahison de la princesse de Béarn, et les Béarnais l’auraient imposé à son fils.

La thèse de Pierre de Marca finira par s’imposer à l’opinion savante, et deviendra finalement la thèse quasi officielle sur l’origine du For général de Béarn.

 

 

 

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