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Projet émaux sur cuivre - La colombe eucharistique
Par Guilhemot le 11 Janvier 2023

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A l’origine de ce projet un peu fou, la découverte sur le site https://www.limousin-medieval.com/ d’une galerie de colombes eucharistiques faisant partie des collections des plus grands musées du monde. Amsterdam, Barcelone, Milan, Boston, Baltimore, New-York ou Paris, les quelques exemplaires ayant survécu jusqu’à nos jours font assurément partie des pièces maitresses de ces collections prestigieuses.

Les colombes eucharistiques sont des tabernacles mobiles, contenant les hosties consacrées, et suspendus par des chaînettes au-dessus de l’autel. Pour les chrétiens, la colombe est symbole de pureté et d'innocence. Dans les Evangiles, elle incarne l'Esprit saint. Les ateliers de Limoges fabriquèrent de nombreuses colombes eucharistiques, mêlant stylisation et réalisme dans leur décor gravé et émaillé.

Après de nombreuses soirées à examiner les photos disponibles, à imaginer comment sont fabriquées et assemblées ces pièces exceptionnelles, je finis par me décider à me lancer dans cette nouvelle aventure. Le modèle retenu sera celui de la colombe de Baltimore pour sa forme quasi parfaite, et les couleurs utilisées seront celles de la colombe de Barcelone qui correspondent parfaitement à la gamme d’émaux que j’utilise habituellement. 

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Par rapport à mes créations précédentes, cette pièce présente la particularité de ne pas être plane. Il faut donc s’attendre à de longs travaux de mise en forme des plaques de cuivre que je vais utiliser. Pour les parties non émaillées comme le corps, je choisis de la plaque de 1mm d’épaisseur, et pour les parties émaillées comme les ailes, je me décide pour une plaque de 2mm d’épaisseur. Les parties rajoutées comme le bec et les pattes seront fabriquées dans de la tige ou des chutes de la plaque de 2mm.

Avant de me lancer, la première étape est de me renseigner un petit peu plus sur la dinanderie, technique permettant la réalisation d’objets décoratifs par martelage d’une plaque de cuivre ou autres matériaux tendres. C’est une technique nouvelle pour moi mais qui me semble accessible et passionnante à réaliser avec un matériel plutôt restreint et facilement disponible : Quelques marteaux spéciaux, quelques bouterolles, un support en bois taillé spécifiquement dans un billot pris dans ma réserve… et pas mal d’entrainement pour « sentir » le matériau.

J’en arrive très rapidement à la conclusion que pour un objet de ce type, le plus simple pour un débutant est de marteler les plaques de cuivre sur une forme de bois adaptée au modèle à réaliser. Et oui, ce n’était pas prévu, mais je vais devoir en passer par une étape de sculpture sur bois… Je choisis un bloc de tilleul, bois plutôt tendre et très bien adapté à la sculpture.

Les médiévales de Lescar de Septembre 2019, seront en partie consacrées à la réalisation du modèle en bois qui me servira par la suite…et subira un dur traitement pendant toute la phase de martelage à venir…

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Pour la première étape de la fabrication proprement dite, je choisis de me concentrer sur la queue de la colombe. Cette queue est constituée d’une partie supérieure émaillée et d’une partie inférieure simplement gravée. Ces deux parties seront assemblées par brasure à l’argent. Le principal souci pour cette pièce est la question récurrente de décider si je réalise la brasure avant ou après émaillage. Pour rappel, la fusion des émaux se réalise aux alentours de 800-820°C et les brasures à l’argent ont des points de fusion qui peuvent aller de 620-650°C à 820-850°C. Si je réalise la brasure avant émaillage, je risque de la dégrader et de déformer la pièce assemblée pendant le passage au four. Si je réalise la brasure après émaillage, je risque de bruler les émaux pendant la brasure… Après réflexion, je choisis la seconde solution en sélectionnant une brasure faible au point de fusion de 620-650°C, et en recouvrant  les émaux par un flux de protection spécifique. Il faudra bien veiller à ne pas trop passer la flamme du chalumeau sur les parties émaillées pendant la brasure…

Au final, cette étape se passe plutôt bien, sans difficulté majeure. La plaque supérieure émaillée est creusée à l’échoppe de ciseleur puis mise en forme sur l’enclume par martelage léger. La plaque inférieure est mise en forme puis gravée à l’échoppe. L’émaillage lui-même ne présente pas de difficulté particulière, la pièce étant très peu bombée au final. L’étape la plus critique de brasure à l’argent s’est finalement bien passée. La brasure s’est déposée de manière à combler les interstices entre les deux parties et le émaux ont bien tenu alors que je n’ai pas pu les préserver complètement de la flamme. Gros soulagement au final, il ne me reste plus qu’à rajouter une bonne couche de dorure électrolytique et la queue de la colombe est terminée.

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Le seul souci est que j’ai déjà passé près de 20 heures sur cette étape du projet pendant les congés de Noel 2019 et que je commence à me demander s’il sera terminé un jour… Mais c’était sans compter sur le 17 Mars 2019…Pour ceux qui étaient sur une autre planète, ce sont sept semaines de confinement à la maison…que je vais pouvoir en grande partie consacrer à l’avancement de mon projet.

On ne va pas se mentir, la phase suivante a été beaucoup (mais vraiment beaucoup…) plus difficile que je ne l’aurais imaginé. On voit nettement sur les photos des originaux, que le corps est un assemblage de deux demi coques. Ces demi coques doivent être mises en forme par martelage sur le support en bois en faisant en sorte de conserver la plus grande symétrie possible et en assurant une jointure sans laisser d’espaces ou de recouvrements. Le tout bien entendu en évitant au maximum les coups de marteau qui laissent des marques sur les parties visibles du corps…

Je vous passe le détail des obstacles qui sont survenus tout au long de cette phase; amincissement trop marqué de la plaque par endroits, plis du cuivre à faire disparaitre dans les courbes,  déformation de la demi coque à chaque recuit, etc… Au final, il m’a fallu pas moins d’une trentaine d’heures de martelage pour parvenir à une forme tout juste acceptable… 

Après cette étape moralement épuisante, je vais me concentrer sur des parties plus agréables à travailler. Les pattes et le bec sont réalisés en cuivre massif à partir de tiges ou de plaques de 2mm d’épaisseur. Pas de difficulté majeure pour cette étape, un bon travail à la lime et à la scie Bocfil suivi d’une brasure à l’argent pour assembler chacun des sous-ensembles. La plaque support émaillée ne présente pas de difficulté particulière, juste un peu de temps pour creuser les zones à émailler à l’échoppe. Et au final de cette étape, après émaillage et dorure à l’or fin du support, on obtient un beau montage des pattes de la colombe.

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La prochaine étape sera probablement celle qui demande le plus d’attention. Les ailes émaillées de la colombe sont assurément les éléments qui attirent le plus le regard, et se doivent donc d’être les plus parfaites possibles. Difficultés particulières, je dois réaliser des pièces de grosse taille, dont la forme doit être parfaitement ajustée au corps de la colombe. Je commence donc par tracer les zones à creuser sur les plaques de 2mm d’épaisseur qui formeront ces ailes. (Photo 11)

Les zones à émailler sont ensuite creusées à l’échoppe, c’est un travail long et laborieux qui demande beaucoup plus d’attention que pour les autres zones. Puis les ailes passent au bruleur pour un recuit et sont mises en forme par martelage très léger directement sur le corps de la colombe. 

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Vient ensuite le moment de tous les dangers qui peut anéantir des heures de travail, l’émaillage des ailes proprement dit. Pour cette étape, j’attends un moment propice (personne à la maison pour une concentration maximale) et je me lance. Cette phase se passe finalement mieux que prévu même si un choc intempestif au moment de la mise au four de la seconde aile disperse quelques grains de bleu sur des parties blanches.

Après ponçage à la pierre à polir et léger passage au four pour redonner du brillant, je suis plutôt satisfait du résultat et je décide de le conserver malgré quelques petits défauts. Pour les émaux, j’ai appris à mes dépends que le mieux est bien souvent l’ennemi du bien, et qu’il vaut souvent mieux s’arrêter avant la catastrophe… 

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Un passage à la dorure à l’or fin puis vient le moment redouté de la vérification de la position finale des ailes sur le corps. Et mes heures de travail sont récompensées, les ailes se positionnent parfaitement et n’ont pas subi de déformation pendant les passages successifs au four à émailler. Tout va très bien et cerise sur le gâteau, c’est la fin du confinement…

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Et ces temps de reprise, mon projet est déjà bien avancé même si je ne suis pas encore au bout de mes efforts. Il me reste encore à réaliser le couvercle du dos avec son système de charnière, le tout réalisé en tôle de 1mm d’épaisseur mise en forme par martelage et assemblée par brasure à l’argent avant passage à la dorure à l’or fin. Puis vient la coupelle qui donnera un bel aspect à la cavité, selon le modèle de l’original du musée de Barcelone. Les yeux sont fabriqués avec de simples clous de cuivre sur lesquels je viens déposer un peu d’émail noir brillant. Et puis enfin le plateau et les chaines qui soutiendront l’ensemble et permettront de l’exposer en toute sécurité sur les campements. Et je dispose enfin de tous les sous-composants qui vont me permettre l’assemblage final de la colombe.

L’étape finale est donc le montage de tous ces composants pour obtenir la colombe terminée. La plus grosse difficulté est de déterminer l’ordre d’assemblage idéal qui permettra de braser tous les éléments entre eux, sans jamais prendre le risque de dégrader les parties émaillées pendant une opération de brasure. On a vu pour la queue que c’était possible, mais très risqué… Après beaucoup de réflexion, je me lance dans l’assemblage final du corps. Pour cela, je vais commencer par braser une fine bande de cuivre sur l’une des demi-coques, tout le long du pourtour de la zone de jointure. Cette bande de cuivre est destinée à permettre un emboitement dans la seconde demi-coque et à les maintenir en position pendant la brasure finale le long de la zone de jointure.

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C’est une opération longue et complexe pour laquelle je travaille par zone pour éviter que la brasure en cours ne vienne dégrader les brasures précédentes. La partie la plus délicate est la brasure de la coupelle qui est juste déposée dans son logement puis brasée à son tour. Une fois tout ceci réalisé, je continue par une étape de ponçage très délicat visant à éliminer les excès de brasure jusqu’à les faire disparaitre. A cette étape, la jonction des demi-coques est devenue quasiment invisible. Je rajoute ensuite par des brasures ponctuelles le bec et la charnière du couvercle. Je décide de profiter de cette étape pour dessiner les écailles sur la surface du corps qui resteront visibles. La colombe est maintenant assez rigide pour la ciselure à l’échoppe mais sa forme rend chacune des coupes très délicates. Les écailles sont dessinées une par une en essayant d’éviter au maximum de perdre le contrôle de l’échoppe. Un nouveau travail long et complexe qui demande une concentration maximum…A ce stade, il ne me reste plus qu’à braser le sous-ensemble des pattes sous le corps, puis je réalise une dorure électrolytique de l’assemblage en cours.

Les dernières phases d’assemblage seront réalisées par collage des derniers éléments. Les yeux sont insérés dans des trous symétriques en essayant de faire en sorte que la colombe ne louche pas. Un petit point de colle et ils ne bougeront plus. L’assemblage des ailes ne peut plus se faire par rivetage car il aurait fallu réaliser cette opération avant assemblage des demi-coques. D’après les photos des originaux, cela semble être le mode d’assemblage historique mais il m’a semblé bien trop risqué. Chacune des deux ailes est donc assemblée avec deux rivets en cuivre taillés en biseau, pour une mise en place légèrement en force, et maintenus par un point de colle. Il en est de même pour l’axe de la charnière du couvercle. Il est légèrement maté sur une de ses extrémités, et maintenu en place par un point de colle sur l’autre. Je rajoute la queue en l’introduisant légèrement en force dans l’espace prévu à cette effet, et deux points de colle la maintiendront dans cette position. Il ne reste plus qu’à fixer l’ensemble sur le plateau par collage, et à monter les chaines qui permettront de suspendre le tout.

J’ai un peu de mal à y croire, mais nous sommes le 5 Juillet 2020 et mon projet un peu fou est parvenu à son terme. Je n’ai pas compté le détail mais j’estime y avoir consacré près de 150h de travail… et beaucoup d’énergie. Mais le résultat en vaut la peine et la colombe est devenue la pièce maitresse de ma collection lorsque je l’expose sur les campements.

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